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Projet Multidisciplinaire - Groupe 16
8 novembre 2008

Interview Patrick Frenay

Voilà, un bon petit résumé du très inspiré Patrick Frenay...Enjoy

Interview Patrick Frenay, géographe urbaniste (mobilité et société) et environnementaliste, professeur à l’ULB et actuellement travaillant pour la STIB

Etat actuel des choses ?

« Nous sommes extrêmement dépendant du pétrole. (… )Les énergies fossiles, on en a encore pour longtemps et cela, même si la demande croît. (…) Je crois qu’on peut vivre avec moins d’énergie d’une façon extrêmement convenable, en ayant un bon niveau de vie donc  qu’on pourrait modérer ces appétits de consommation d’énergie et que par ailleurs, je crois qu’on pourrait diversifier dans une certaine mesure ces sources d’approvisionnement avec toutes les questions que ça pose par ailleurs au niveau des effets induits positifs et négatifs. Les effets seront de toute façon très importants et comme toujours il y aura des gagnants et des perdants et là ce sera une question de rapport de force entre les différents lobbies et différentes sources d’intérêts et de comment les dirigeants vont faire en sorte que les choix de société qui seront faits auront le meilleur « rendement » développement durable/aspect économique et financier/sociaux/environnementaux et culturels parce que les choix de société sont fondamentalement  des choix culturels. Et donc comment influence-t-on la culture de toutes les sociétés pour favoriser certains changements et qui peuvent ne pas faire plaisir ? C’est une question fondamentale pour laquelle malheureusement les moyens de communication mis en œuvres sont extrêmement pervers. Je crois beaucoup au processus de communication pour changer la culture et si on change la culture c’est ainsi que l’on changera les choix de société. Ces choix de société sont des choix qu’il faut assumer et éclairer ; on ne peut pas tout mesurer, il y aura toujours des conséquences positives et négatives, il faut les objectiver au maximum.  Il faut assumer ces choix et essayer que les aspects positifs soient les plus plausibles mais surtout que les aspects négatifs soient bien contenus et qu’ils profitent là où le profit est le plus indispensable. Ce sont des choix de société au sens propre du terme et des choix politiques au sens noble du terme. (…) Je ne suis pas optimiste… »

L’énergie de demain ?

« La manière dont nos sociétés évolue, c’est du court terme et de l’intérêt privé et de petite collectivité, quitte à ce que d’autres soient écrasées. La coopération au développement par exemple, ce sont des cacahuètes qu’on prétend donner pour aider les populations à s’en sortir alors que l’on a mis en place des éléments structurels qui sont de nature à ce que les déséquilibres fondamentaux aux niveaux mondiaux soient là et soient renforcer au cours du temps. Là où il faudrait travailler, ce serait sur le structurel (…) et on voit bien que nous ne sommes pas assez mûrs aujourd’hui pour agir ainsi ; nous ne voulons pas remettre en cause nos privilèges ! Les plus forts veulent garder leurs privilèges et ils ont le pouvoir pour garder et amplifier ces privilèges. C’est très inquiétant : la concentration réelle du pouvoir politique, économique et médiatique dans des cercles de plus en plus restreints y compris dans nos sociétés démocratiques. Les sociétés ne se donnent plus les moyens d’un journalisme d’investigation pour analyser les mécanismes en profondeur qui pourraient induire un changement. Malgré que l’on sait qu’on va droit dans le mur, je crains que la société n’a pas la maturité nécessaire pour penser durablement. Notamment parce qu’on a des élections tous les 4-5 ans et en Belgique tous les 2 ans : il n’est pas pensable que les politiques prennent des décisions sur le long terme. »

Bruxelles : quelles solutions pour supprimer les différents problèmes actuels (pollution, congestion,…) ? RER ? Péage urbain ? Echange de plaque d’immatriculation contre abonnement de tec ?...

« Il n’y a pas de solution unique. C’est une multitude de moyens qui vont permettre de changer les choses. Les responsables électoraux font des cadeaux à la population et donne en fait un très mauvais message : ils créent des gadgets qui vont coûter à la collectivité, autrement dit tout le monde, et cela, pour certains seulement.

Je pense que nous sommes dans une société où nos valeurs et notre culture, restent fondamentalement dans des valeurs de croissance sans aucune limite. Je crois qu’il faudrait d’abord rechercher les moyens de maîtriser la croissance de la demande de mobilité, voire de réduire cette demande et c’est tout à fait plausible. Aujourd’hui, on est dans une fuite en avant où on encourage à tout-va la demande de mobilité que ce soit par tous les moyens de transport motorisés (avions, TEC, transport individuel motorisé) qui sont donc dans la même logique de croissance de demande de mobilité. Pourquoi ? Parce que les gens prétendent que lorsqu’on met à leur disposition des moyens plus performants, on va gagner du temps, de l’énergie, etc. C’EST FAUX ! Parce que sociologiquement, les gens adaptent leur comportement et quand on leur offre des choses qui fonctionnent mieux, ils ne font pas les mêmes déplacements avec des moyens de transport plus rapides et moins coûteux, ils font des déplacements légèrement plus nombreux mais surtout beaucoup plus longs et donc plutôt que d’avoir une réduction du temps de déplacement et des coûts, on a une augmentation considérable des distances et donc du territoire dans lequel on vit (le village planétaire). Il faut absolument introduire la notion sociologique de la mobilité dans le débat sinon on va se tromper. Je serai un fervent partisan de la modération de la croissance voire d’une décroissance raisonnable contrairement à la logique de croissance dans toute société ou du moins dans la nôtre. C’est possible en ayant une politique de développement territorial maîtrisé : l’aménagement du territoire, le développement territorial et les processus d’urbanisation sont des éléments fondamentaux dans la demande de mobilité dans toutes ses composantes et tant qu’on ne se donnera pas des moyens fiscaux (car nous avons de problèmes de structures dans la fiscalité), on ne favorisera pas une « bonne » urbanisation. Par exemple en Belgique, la fiscalité foncière et immobilière encourage la dispersion de l’habitat et des activités. A l’inverse, certains pays, mêmes très libéraux, ont mis en place des mécanismes fiscaux qui encouragent une concentration de l’habitat et une mixité d’activités de fonction urbaine qui sont la base d’une maîtrise de la demande de mobilité. Par ailleurs, en matière de mobilité, il y a beaucoup de moyens fiscaux qui peuvent utilisés pour augmenter l’usage des moyens de transports mais il faut là aussi ne pas simplement favoriser certaines choses mais il faut mettre en place des moyens financiers qui vont engendrer une maîtrise de la croissance de la mobilité et surtout une maîtrise de la croissance du transport routier (FRET, marchandises ou personnes) qui est objectivement aujourd’hui très favorisé dans nos sociétés, occidentales et européennes en particulier. Ne pas essayer de maîtriser la croissance est pire que l’inaction. La mobilité durable a été démontrée comme étant très favorable sur le plan économique et financier, mais ça reste confidentiel car ça remettrait en cause les privilèges à court terme des gens.

Exemple : à Londres, sous l’ancien maire Ken Livingstone, des mesures pour le péage urbain ont été prises. Ces objectifs fondamentaux n’étaient pas des objectifs de mobilité, environnementaux ou sociaux, c’était des objectifs économiques : il voulait tout simplement préserver et favoriser la croissance économique de la ville qui est un pôle économique mondial. Si ce pôle était de plus en plus congestionné, il allait mourir, par manque d’accessibilité. En touchant donc à la mobilité, il a favorisé la croissance de l’économie de la ville. Ce modèle-là pourrait être transposé à Bruxelles.

Aujourd’hui, nous n’en sommes plus à l’affrontement de différents modes de transport, nous somme dans une panoplie de possibilités qui doivent être vues de manière complémentaire et non concurrente. Tous les modes entre eux sont à soutenir mais il faut faire des choix dans ces combinaisons. Aujourd’hui tous les modes de transport se concurrencent plus qu’ils n’assurent une complémentarité. Les discours sont tout autres. On responsabilise tous les acteurs mais du coup, chacun cherche à en retirer le plus grand profit, que ce soit le voisin qui paie plus et donc on est dans un système de concurrence.

Des études françaises démontrent quand on favorise les transports en commun, il faut des mesures d’accompagnement permettant de les rendre vraiment utiles et fonctionnels et pour éviter une croissance de la mobilité et une expansion urbaine avec un exode urbain de la population et des activités. Les régions ont un grand intérêt à mettre en place le RER en plus de ce qui existe aujourd’hui. Mais à certaines conditions car les Régions flamandes et wallonnes ont bien compris tout le parti qu’elles peuvent en tirer : réinstaurer une nouvelle phase d’exode de la population bruxelloise et des activités et du coup, elles vont avoir des ressources financières augmentées puisque la loi de financement des communautés et des régions est basée sur l’impôt des personnes physiques. Autrement dit, l’exode des riches bruxellois dans le Brabant Wallon permet à la Région wallonne d’avoir les moyens nécessaires pour financer sa politique, sinon elle en serait incapable (c’est la même chose pour le Brabant Flamand mais dans une moindre mesure). Les Régions ont donc un grand intérêt à vider Bruxelles de sa substance. Et comme les outils fondamentaux sont dans différents niveaux de pouvoir, l’équation sera très dure à résoudre. Les intérêts sont contradictoires et comme nous n’avons pas la maturité nécessaire pour voir le problème de manière globale, on trouvera toujours le prétexte pour rejeter la responsabilité du problème sur quelqu’un d’autre. »

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